Divorce en ligne : Condamnation du site divorce-discount.com

1 Fév 2014 | Actualité

Il se présentait comme le numéro 1 du divorce en France ou en ligne. Le site divorce-discount.com, exploité par la Société JMB, a été Contraint judiciairement de cesser toute activité de consultation juridique et de rédaction d’actes ; en vertu d’une ordonnance de référé du président du tribunal de grande instance d’Aix-en-Provence du 24 décembre 2013.

Divorcer n’est jamais une simple formalité administrative

Cette société proposait aux internautes de prendre en charge leur procédure de divorce par consentement mutuel à moindre coût. Pour contourner les dispositions imposant la présence de l’avocat dans les procédures de divorce, elle sollicitait directement les services d’un «avocat partenaire» auquel elle transmettait la requête et la convention de divorce signée par les parties, à charge pour lui d’apposer son tampon en tête de ces documents, de les signer et d’adresser l’ensemble au greffe du tribunal compétent, de se rendre à l’audience, de vérifier les identités des époux, de les assister à l’audience d’homologation, de leur faire signer un acte d’acquiescement à la sortie de l’audience et de les retourner à la Société JMB en même temps que le jugement de divorce.

De son côté, le client téléphonait au numéro indiqué sur le site; fournissait au « conseiller clientèle » en ligne les éléments administratifs nécessaires à l’établissement de la procédure. Il se contentait ensuite de retrouver directement un avocat à l’audience au jour de celle-ci ; l’avocat étant directement réglé par la Société JMB.

DivorceCe fonctionnement, très simple d’apparence, n’en révélait pas moins une pratique contraire aux règles posées par la loi du 51 décembre 1971. C’est ce qui vaut à la Société JMB sa condamnation. À l’appui de sa motivation, le président du tribunal retient à la fois l’instrumentalisation par la Société JMB du rôle de l’avocat dans la procédure de divorce et ses effets tant à l’égard du juge qu’à l’égard des époux.

L’avocat, qui n’a jamais rencontré « ses » clients avant le passage en audience; n’a « pas procédé à la personnalisation indispensable de la rédaction de la Convention de divorce ». Le juge, « qui est en droit de tirer de la présence de l’avocat à l’audience la certitude de l’accomplissement par ce dernier de son obligation de conseil envers ses clients », voit sa religion trompée. Les époux, qui ne rencontrent pas l’avocat avant l’audience, ne bénéficient d’aucun conseil ou avis « Sur les conditions et les conséquences de leurs démarches; tant pour eux-mêmes que pour leurs enfants mineurs ».

Pour le juge des référés, « cette situation caractérise un trouble manifestement illicite, tant pour les justiciables clients de la Société JMB et leurs enfants mineurs sur lesquels ils exercent l’autorité parentale et dont les intérêts sont susceptibles de ne pas être Correctement pris en compte par des conventions de divorce rédigées par des non professionnels, que pour la profession d’avocat et au-delà pour l’institution judiciaire».

On ne peut que saluer cette motivation qui témoigne de l’importance du rôle de l’avocat dans la procédure de divorce par consentement mutuel. Contrairement à une croyance trop répandue chez les non-juristes; l’office de l’avocat dans ce type de divorce ne se réduit pas à la simple assistance des parties à l’audience. L’avocat est investi d’une mission de conseil et de rédaction d’actes qui l’expose d’ailleurs à une responsabilité accrue. Au-delà de l’écoute qui est la sienne, il doit mettre à profit ses connaissances juridiques; qui vont au-delà du cadre strict du droit de la famille, pour répondre au mieux aux attentes des parties.

Il est le garant de la réalité du consentement de chacun des époux, de l’équilibre de la convention de divorce. Remplir cet office demande du temps et suppose des rencontres et des échanges avec les époux. Derrière un dossier, il existe des histoires, des souffrances, des doléances et des attentes. Divorcer n’est donc jamais une simple formalité administrative. Il est regrettable que, sur fond de crise économique, certains « braconniers du droit », selon l’expression consacrée; tentent de faire croire le contraire en vantant les mérites du divorce en ligne donc forcément low cost.


Par Sylvain Thouret
Avocat au Barreau de Lyon, Maître de conférences associé à l’Université Jean Moutin (Lyon 3)

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