L’Adoption, est-elle devenue lien de filiation fragile ?

23 Mar 2020 | Famille

A cette question impertinente, la réponse doit être immédiate : NON.

L’adoption ne saurait être un lien de filiation révocable, sauf à contourner le principe intangible de l’indisponibilité de l’état des personnes.

Certes l’article 370 du Code Civil précise : « s’il est justifié de motifs graves, l’adoption peut être révoquée lorsque l’adopté est majeur, à la demande de ce dernier, ou de l’adoptant ».

Deux points doivent être relevés dans ce texte :

  • Les motifs invoqués doivent être graves, et ce caractère de gravité est évidemment  soumis à l’appréciation du juge du fond (on peut envisager  la tentative de parricide par exemple… ou un complot tel que l’adopté n’est plus digne d’être l’enfant de l’adoptant) ;
  • Il est question que la procédure de révocation puisse être ouverte par l’adopté ou l’adoptant (la conjonction ou semblant être importante ici puisqu’elle suggère qu’un conflit grave puisse avoir éclaté du fait de l’adoptant ou du fait de l’adopté, et donc qu’une responsabilité de l’un ou de l’autre puisse être établie).

Or, le Tribunal de METZ (jurisprudence non publiée) a rendu un jugement en mars 2019 (dont il faut souhaiter qu’il reste très exceptionnel) dans un cas où l’adoptant et l’adopté avaient déposé ensemble une requête conjointe dans laquelle ils exposaient qu’une importante mésentente était survenue entre eux, entraînant selon eux un désintérêt caractérisé de part et d’autre et une véritable rupture des liens affectifs constituant, toujours selon eux, un motif grave au sens de l’article 370 du Code Civil…

Le procureur de la république, intervenant toujours dans ce type de procédure comme partie jointe, a immédiatement fait valoir son désaccord avec cette demande en faisant observer qu’une mésentente et un désintérêt caractérisé de part et d’autre n’apparaissaient pas constituer les motifs graves permettant de révoquer une adoption prononcée quelques vingt ans auparavant.

Ce même magistrat, chargé de faire respecter l’ordre public civil (ici la pérennité naturelle d’un lien de filiation judiciairement créé) faisait valoir le risque de collusion frauduleuse entre les parties qui saisissaient en effet conjointement le tribunal, et souligne que l’adoption simple ne crée pas un lien de filiation de second rang, et ne saurait être révoquée pour de simples conflits familiaux, aussi prégnants soient-ils.

Il est vrai que les parties ne produisaient aux débats que des courriers personnels envoyés de part et d’autre, dans lesquels les reproches allaient bon train sans que l’on puisse véritablement apprécier les véritables raisons de la détestation mutuelle, plus psychologiques que juridiques.

Le Tribunal a toutefois fait droit à cette demande de révocation en observant que le lien créé par l’adoption n’avait jamais eu de consistance réelle dans le cas précis.

Il observe que l’adopté avait été essentiellement élevé, à la suite du remariage de sa mère avec le père adoptif, par les grands parents maternels, qui semblaient avoir pris le relais éducatif.

Il conclut que les intéressés n’ont finalement jamais investi le lien de filiation adoptive, et selon toute vraisemblance ne l’investiront jamais au regard de la totale absence de relations entre eux mais aussi de la durable mésentente qui les sépare.

En fait, c’est par une analyse de la situation a posteriori que le tribunal a statué et non pas sur une réalité juridique présente qui, rappelons le, a été créée par des consentements échangés devant notaire (acte authentique) et que le jugement d’adoption est en principe intangible une fois les voies de recours expirées.

Rappelons également que la filiation biologique, de son côté, ne peut être remise en cause en dehors des délais très stricts prévus par les textes, et que les conflits familiaux, quelle que soit leur force ou leur ancienneté, ne sauraient atteindre la pérennité du droit en cette matière.

Le jugement ainsi rendu me semble ravaler le lien de filiation par adoption à une filiation fragile, de second rang, dont les parties pourraient se défaire finalement facilement et à leur gré…

Il faut donc espérer, pour la stabilité du droit, que la décision ci-dessus rapportée restera exceptionnelle.

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