Quand le Sujet de Droit devient Sujet de la Psychanalyse

4 Juin 2020 | Actualité

La période de confinement qui vient de s’écouler du fait de la crise sanitaire a permis à chacun de faire le point sur lui-même, sur son travail, sur sa famille, sur ses amis, sur sa vie de manière générale.
Nous avons tous vécu cette période selon notre caractère, notre capacité à adapter notre vie professionnelle, nos liens plus ou moins simples avec notre entourage familial, et nos amis nous ont tantôt agréablement étonné, tantôt profondément déçu.

Mon propos d’aujourd’hui est de m’interroger librement sur la notion de « sujet » telle qu’elle est traitée en droit et en psychanalyse, et bien entendu les quelques idées que je décline succinctement ici restent très personnelles et n’engagent que moi.

La notion de sujet de droit concerne tout être humain vivant en société.

Cette personnalité juridique reconnue à tous par le droit est le gage manifeste d’un état démocratique qui se soumet à la règle de droit régulièrement promulguée, et exclut bien entendu toute condition d’esclavage. Le sujet de droit doit pouvoir exercer librement les prérogatives qu’il tire de sa seule appartenance à la société, et remplir ses obligations à l’égard de cette même société selon ses conditions de vie.

On sait que depuis la révolution française, ce concept juridique a été porté à son apogée par la déclaration des droits de l’homme et du citoyen notamment, et toute l’architecture juridique est construite autour de cette notion.

On n’est plus sujet du Roi, mais sujet de Droit.

Ce pivot du droit moderne, est bien sûr issu de la philosophie des lumières, mais a également été accaparée par la psychanalyse qui n’y porte pas exactement le même regard.

Car le sujet (l’être humain) ne vit pas que de droit mais se trouve également inscrit dans un ensemble de « règles racines », notamment les lois du langage, l’interdit de l’inceste (règle essentielle se retrouvant dans toutes les sociétés et à toutes les époques), les règles de la parenté et de la mémoire, qui peuvent engendrer de nombreuses névroses, voire des psychoses, et empêcher ainsi l’être humain de devenir ou de demeurer sujet de droit.

La période de confinement a fait de nous tous des sujets de droit appauvris…

Les limitations considérables et fort heureusement exceptionnelles du simple droit d’aller et de venir, droit fondamental du citoyen vivant en démocratie, le fait de ne pas pouvoir user de toutes nos libertés naturelles et constitutionnelles pendant cette période, de ne pas pouvoir accéder à la défense en justice dans les délais normaux, tout cela a réduit notre personnalité juridique pour un temps et a pu nous laisser imaginer un état répressif ou le citoyen devient davantage sujet du droit que sujet de droit.

En revanche, cette même période a pu nous faire découvrir la richesse du MOI freudien si l’on sait écouter tout ce qui a pu naitre dans notre imaginaire ou dans notre inconscient au cours de ces deux mois : les peurs, les angoisses, les appréhensions, mais aussi les joies inattendues, ou les réactions saines d’entre aide.

En psychanalyse, l’instance du MOI dégagée par FREUD est peut-être la plus difficile à cerner tant il est vrai qu’elle est tiraillée entre les pulsions du ÇA et les impératifs du SURMOI, et nous avons eu certainement beaucoup d’occasions pendant ce confinement, de découvrir nos capacités (ou incapacités…) à réguler nos pulsions et à nous découvrir sous un jour auquel notre entourage ne s’attendait pas (violences, agressivité, ou même simples infractions matérielles aux nouvelles normes provisoires établies).

Enfin à l’écoute de nous même, nous avons pu nous rendre compte qu’il existe un être en nous, sujet de la psychanalyse, qui se trouve incapable de rester sujet de droit lorsque les conditions ne sont plus remplies.

C’est alors à l’Écoutant de savoir retisser les liens nécessaires pour que l’individu redevienne sujet de droit. Nous pensions maîtriser nos vies, mais le confinement nous a montré que nous étions fragiles.

La justice a su depuis longtemps faire le lien entre sujet de droit et sujet de la psychanalyse, notamment en donnant par exemple, à la suite de DOLTO, la parole aux enfants (devant le juge aux affaires familiales par exemple), ou à la suite de LACAN, « entendre dans la parole le désir du sujet » (devant la Cour d’Assises).

C’est à la recherche de ce « JE » qui n’arrive pas toujours à donner sens au « MOI », que nous avons pu nous livrer, puisque le moi n’est jamais égal et permanent suivant les situations vécues.

Ainsi, ces longues journées de confinement auront peut-être eu l’avantage, – le seul sans doute, mais non le moindre – d’être à l’écoute de nous même et des autres.

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