La GPA dans la schizophrénie juridique

23 Jan 2020 | Famille

La gestation pour autrui (GPA) soulève depuis longtemps des débats mouvementés qui impliquent des considérations philosophiques, religieuses, éthiques et politiques.

Mais il devient indispensable de faire un point objectif à la suite de l’évolution jurisprudentielle récente, et notamment d’un arrêt de la Cour de Cassation du 4 octobre 2019, suivi de deux arrêts de la Cour d’Appel de RENNES des 18 et 25 novembre 2019 qui poursuivent cette évolution.

Pour mémoire, rappelons seulement que la GPA est une pratique médicale permettant à un couple hétérosexuel ou homosexuel de faire un enfant par l’entremise d’une « mère porteuse » appelée également gestatrice.
Cette mère porteuse, qui acceptera de se voir implanter l’embryon, s’engage après avoir accouché, à remettre l’enfant au couple commanditaire de l’opération, appelé « parents d’intention ».

Cette pratique est interdite en France et pénalement sanctionnée de 6 mois d’emprisonnement et 7.500 € d’amende (article 227-12 du Code Pénal).

De même l’article 16-7 du Code Civil (loi du 29 juillet 1994) dispose :

 «  Toute convention portant sur la procréation ou la gestation pour le compte d’autrui est nulle. »

La Cour de Cassation avait d’ailleurs indiqué elle-même dés 1991 que cette pratique était contraire aux principes d’indisponibilité du corps humain et de l’état des personnes.

C’est pourquoi la pratique se fait essentiellement à l’étranger. 

Mais le problème rebondit lorsque les parents souhaitent ramener l’enfant né en France et l’inscrire régulièrement à l’état civil pour obtenir un acte de naissance conforme.

La Cour de Cassation en 2001 avait dans un premier temps refusé de faire produire un effet quelconque à une convention  de GPA, par nature interdite par la Loi, au regard de la filiation.

C’était l’application des principes généraux du droit : ce qui est nul ne peut produire aucun effet.

Cette solution juridique, si elle avait le mérite de la logique, est vite devenue intenable depuis 2014 où la Cour Européenne des Droits de l’Homme a condamné la France pour ne pas respecter « l’intérêt supérieur de l’enfant né » en interdisant son inscription à l’état civil.

Ainsi, le droit français a vite été pris dans une sorte de schizophrénie pour d’un côté interdire pénalement et civilement la GPA et être contraint malgré tout de reconnaitre la validité à l’état civil des naissances ainsi conçues.

C’est ce que vient de reconnaitre enfin la Cour de Cassation dans un arrêt du 4 octobre 2019, suivie de près par deux arrêts de la Cour d’Appel de Rennes des 18 et 25 novembre de la même année.

Les attendus de la cour de Rennes sont sans détours : 

« Au regard de l’intérêt supérieur de l’enfant, la circonstance que la naissance d’un  enfant à l’étranger ait pour origine une convention de gestation pour autrui prohibée par les articles 16-7 et 16-9 du Code Civil, ne peut, à elle seule, sans porter une atteinte disproportionnée au droit au respect de la vie privée de l’enfant, faire obstacle à la transcription de l’acte de naissance établi par les autorités de l’état étranger, en ce qui concerne le père biologique de l’enfant, ni à la reconnaissance du lien  de filiation à l’égard de la mère d’intention mentionnée dans l’acte étranger, laquelle doit intervenir au plus tard lorsque ce lien entre l’enfant et la mère d’intention s’est concrétisé ».

Il faut sans doute se réjouir de cette solution nouvelle au regard des droits et du respect que l’on doit à l’enfant né,  mais il va falloir également tirer les conséquences nouvelles de cette situation au regard de la maternité et de la parentalité de manière générale.

Il semble bien que l’on s’oriente vers de nouveaux aspects du droit de la filiation qui nous interroge tous sur notre rapport à la sexualité, au fait d’être parent (ou de ne pas l’être) et de manière générale à une modification complète de l’anthropologie de la famille.

S’il semble y avoir deux grands gagnants dans l’histoire : les parents d’intention et l’enfant dont l’intérêt supérieur est sauvegardé, il y a aussi la femme dont on ne parle pas et qui, moyennant rémunération, aura accepté une transformation de son corps pour devenir mère… le temps d’une grossesse, et de redevenir une femme sans enfant pour avoir exécuté une convention encore aujourd’hui illégale.

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